Le coordonnateur provincial de la société civile dans la province de l’Ituri au Nord-est de la RD Congo, remet en cause la version de l’armée sur la mort de Justin Ngujolo, leader de la milice Coopérative pour Développement du Congo (CODECO) qui endeuille l’Ituri depuis fin 2017. Dans une interview accordée jeudi 16 avril 2020 à Orientalinfo.net, Jean-Bosco Lalo Kpasha relance le débat sur le mécanisme de la virulence inédite de cette milice constatée ces deux dernières semaines avec la tuerie de plus de 200 personnes et d’importants dégâts matériels sans son traditionnel leader.
La société civile indique aussi que la population de l’Ituri se sent abandonnée à son triste sort par l’État et plaide pour une synergie d’efforts avec des actions concrètes pour stopper l’aventure de ces hors-la -loi qui se sont arrogés le pouvoir de vie ou de mort dans les rayons sous leur contrôle.
Orientalinfo.net : Jean-Bosco Lalo bonsoir,
Jean-Bosco Lalo : Bonsoir,
Orientalinfo.net : Vous êtes de la société civile en Ituri, cette province qui connaît la persistance de l’insécurité avec cette résurgence un peu aggravante ces derniers temps; vous, à la société civile, quel lecture faites-vous de cette situation ?
Jean-Bosco Lalo : Effectivement comme vous aviez dit, il y a une résurgence aggravante. Cette résurgence intervient pendant qu’on sent qu’il y a beaucoup d’efforts qui ont été engagés : on voit la présence des militaires, on voit la Monusco, on voit les discours du gouverneur mais, sur le terrain on semble reculer davantage. Nous sommes aux alentours de plus de 200 morts pour le début du mois d’avril seulement et des dégâts matériels très importants.
Nous sommes toujours inquiets car jusque là, personne ne sait dire, comment les assaillants s’approvisionnent en armement parce qu’ils en ont car ils ne peuvent pas se battre avec des machettes et des flèches contre l’arme à feu, ils ont même des armes lourdes. Et, nous avons l’ANR, nous avons l’administration depuis le gouverneur jusqu’aux localités, nous avons la Monusco qui a tous les canaux de renseignement, nous avons des ONG qui pullulent ici à Bunia avec des actions sur le terrain et nous sommes surpris de constater qu’en dépit de tout cela, la situation continue à s’aggraver et à s’aggraver davantage. voilà il y a deux ou trois jours, ils ont été à Mahagi où ils ont saboté plusieurs villages. On se dit finalement, est-ce qu’il y a un État qui nous gouverne !
Orientalinfo.net : Selon l’armée, la milice CODECO a perdu sa tête car son leader a été tué. Mais, curieusement des exactions se multiplient du jour le jour avec le même mode opératoire à celui des ADF. Comment explique-t-on cela ?
Jean-Bosco Lalo : Nous n’avons jamais soutenu, nous n’avons jamais corroboré à ce que la milice a perdu sa tête parce que pour nous, il faut être clair : il n’y a pas de preuves. Qu’il soit mort ou vivant, ce qui nous intéresse maintenant ce n’est pas sa mort ou sa vie mais c’est l’activisme du groupe. Donc, moi je pense qu’il faut attaquer le problème tel qu’il se présente et c’est là qu’on saurait que Ngujolo est mort si les FARDC parvenait à éradiquer ce groupe armé. Mais tant qu’ils sont encore très opérationnels, ce qui fait que la mort ou la vie de Ngujolo n’a pas d’influences sur ce groupe armé.
Orientalinfo.net : Du côté de la société civile, que proposez-vous pour que cette situation prenne fin et que la population retrouve la paix et la quiétude ?
Jean-Bosco Lalo : Nous avons toujours parlé, nous avons dénoncé, nous avons proposé. Déjà depuis le dimanche passé, nous avons décrété l’incivisme fiscal, nous avons demandé le départ de la Monusco parce que vraiment elle est inerte. Nous avons demandé les dédommagements des véhicules qui étaient incendiés parce qu’il y a eu incendie pratiquement de 8 véhicules et la route principale de l’ituri RN27 a été coupée pour assez longtemps. Même maintenant, la route n’est toujours pas ouverte même s’il y a des discours qui font croire que c’est ouvert mais jusqu’ici ceux qui veulent passer se hasardent.
Donc, vous comprenez avec nous qu‘à la langue, nous sommes décidés d’entamer de grandes actions qui doivent inquiéter le gouvernement. Entretemps, nous avons écrit, nous avons dit au gouverneur que lorsque tout le monde veut paraître, nous allons tous disparaître. Par conséquent, il faille qu’on se mette et que nous puissions conjuguer les efforts parce que la CODECO là que vous voyiez est un groupe armé d’une secte mystico-religieuse. Aujourd’hui, ils sont entrés d’endoctriner les les gens. Par conséquent l’arme aussi la plus forte c’est celle aussi de les désendoctriner. Et si ne sera pas fait, même si on se bat avec arme à feu, on ne croit pas qu’il y ait solution. Nous avons demandé qu’il y ait une tripartite gouvernement provincial et tous les services de sécurité, partenaires et acteurs sociaux pour évaluer les actions menées sur le terrain. Si non jusque là, les actions ressemblent à un secret de polichinelle car on appelle les civils à collaborer, on appelle les civils à dénoncer et toutes les attaques ont été avisées en temps mais malheureusement, les actions n’interviennent pas ponctuellement.
Orientalinfo.net : Aujourd’hui quel est le sentiment qu’a la population dans cette région ?
Jean-Bosco Lalo : La population à le sentiment d’être abandonnée par l’État et c’est le ras-le-bol.
Orientalinfo.net : Jean bosco lalo nous vous remercions d’avoir accepté de nous parler
Jean-Bosco Lalo : C’est nous qui vous remercions.
Propos recueillis par Héritier Mungumiyo